Verres dépolis. Côte d’Azur, hiver, 13h. L’air iodé nous saute aux narines, dans cette crique aux fonds marins bleu profond cernée de rochers déchiquetés, le sable est rare, le galet roi et les vagues émettent un doux bruit de concassage. Contrairement aux bois flottés, pour glaner les verres dépolis, la marche est peu utile. Il faut savoir s’arrêter et longuement fouiller « les yeux dans les galets » pour les dénicher. Dans l’eau, ils brillent de milles feux mais le sac et le ressac les balaient avant qu’on puisse les saisir ; sur le rivage, suivant leur teinte et la position du soleil, vous pouvez chercher de longues minutes sans en trouver un seul. Les nuances de teintes sont multiples, malgré ce, on peut les classer en 4 grands ensembles : Les « teintés vert », les plus communs et aussi les plus faciles à repérer car leur couleur se détache facilement de celle des galets ; ensuite viennent les « teintés blanc », moins visibles car transparents mais relativement nombreux. Puis ce sont les « teintés oranges/jaunes » qui eux sont plus rares et se confondent avec les galets. Et enfin les « Violets et Rouges », rarissimes, et donc, par nous, les plus recherchés. Lorsqu’il nous arrive de dénicher un « violet » ou un « rouge », à l’instar de l’orpailleur découvrant une pépite, nous nous sentons riches et comblés par le destin. A ce jeu de patience et d’attention soutenue, nous pouvons passer des heures dans notre bulle et tout oublier des contingences de la vie, concentrés, ignorant les flâneurs dont les enfants parfois viennent nous demander « Vous ramassez quoi ? » puis, une fois renseignés, courent réclamer un sac à leurs parents pour faire de même. Au fur et à mesure que l’aprés-midi avance, nos poches s’alourdissent et ce n’est que le soir venu – quand il est devenu impossible de distinguer les galets des verres dépolis – que nous rentrons pour les trier par teinte et par taille (les plus petits peuvent avoir la grosseur d’une tête d’épingle). Les nuits suivantes, dès l’instant où nous fermons les yeux, viennent s’imprimer derrière nos rétines l’image de perles de verres sur des lits de galets.
